Deux poèmes par Marlène Rigaud Apollon.
 
 

Le plus supérieur des deux se lit avec la nouvelle Lucette dans Paroles d'Haïti.

Femmes d'eau se lit par exemple quand vous avez vu le film de Jørgen Leth Haiti. Uden titel.
 
 
 
 
Le plus supérieur des deux...
 

La supériorité des uns
Me ferait rire aux éclats
Si elle n'était si désolante

Monsieur Kesedio
Se rengorge sur le siège arrière
De sa voiture dernier cri,
Les yeux fixés ferme
Sur la nuque de son chauffeur en livrée blanche.
De temps en temps,
D'un mouvement chorégraphié,
Il tourne un regard hautain vers la rue
Pour voir qui le voit.
Et il se rengorge.
Il n'est pas n'importe qui.

Madame Kesekwette
Se pavane sous les lumières pareilles au jour
De sa salle de bain grande comme quatre taudis,
Et aux murs tapissés de miroirs à multiples panneaux
Elle se lisse soigneusement les cheveux.
-Un simple coup de pouce à Ia nature 
Les racines sont bonnes, grâce à Dieu 
et à la grand-mère blonde aux yeux pers 
Dont la photo est bien en évidence au salon. 
Et elle se pavane.
Elle est de bonne souche.

Mademoiselle Kesediole
Pousse les hauts cris
Elle rouspète, tape du pied,
Menace de renvoyer dans les mornes d'où elle vient
Cette petite bonne, cette insolente
Qui a osé, quel toupet!
-Ces gens-là ne connaissent plus leur place -
L'interpeller par son prénom non précédé de «Mademoiselle».
Et elle pousse les hauts cris
Elle est supérieure.

La supériorité des uns
Me ferait rire aux éclats
Si elle n'était pas si désolante.

 

 

 

 

 

 

 


 


 
 

supériorité f overlegenhed
rire aux éclats le højt

Kesedio = Que c’est idiot
se rengorger "brede sig" 
siège arrière m bagsæde
cri m skrig
ferme fast
nuque f nakke
chorégraphié "indstuderet"
hautain overlegen
n’importe qui "hr. hvemsomhelst"
 

Kesekwette = Que c’est chouette
se pavaner spankulere omkring
taudis m blikskur
tapisser tapetsere
panneau m "fløj"
lisser rede, glatte
coup de pouce m  "en hjælpende hånd"
pers blågrøn
bien en évidence anbragt tydeligt
de bonne souche "af fin afstamning"

Kesediol = Que c’est drôle
pousser udstøde
rouspéter brokke sig
taper du pied trampe i gulvet
menacer true
morne m bjerg
bonne f tjenestepige
insolent fræk
oser vove
quel toupet hvilken uforskammethed
interpeller tiltale
non précédé de uden at sige .. først
 

désolant fortvivlende
 

 

Fiche de travail:

Traduisez les trois premières lignes du poème.
Le poème parle de trois personnes, lesquelles?

1. Monsieur:
    Faites une déscription de ce monsieur en utilisant vos propres mots.

2. Madame:
    Comment la poétesse indique-t-elle que la dame est riche?
    Quelle est l'importance de la grand-mère? D'où vient-elle?
    Quelle est votre impression de la dame?
    Elle est de "bonne souche". Qu'est-ce que cela veut dire?

3.  Mademoiselle:
    Faites une description de la fille en utilisant vos propres mots.
    Quel est le rapport entre ce poème et l'histoire de Lucette?
 

Expliquez les lignes qui ouvrent et terminent le poème.
Faites un résumé du poème en cinq phrases.
 
 

 
Femmes d'eau

On les rencontre à la fontaine
Quelques-unes s'en retournent déjà
Calebasses ou bidons de fer-blanc pleins à ras bord sur la tête
L'eau s'en échappe par à-coups
Et s'insinue espièglement sous leurs robes
Qu'elle imbibe du dedans et leur plaque sur le corps
D'autres font le plein
- Qui aux trois bouches d'eau
Bras bandés, jambes écartelées pour parer au plus lourd
Qui à même le bassin d'écoulement
A genoux ou accroupies
Les mains en coupoles retournées pour faire double vaisseau
D'autres enfin attendent leur tour
Une cuvette ou une bokite «calebossées» aux hanches ou
Sous le bras
Elles battent de la bouche ou se chamaillent
Pour passer le temps
Et reprendre de l'élan pour le dur «rallez-route» du retour.

On les rencontre à la rivière
Quelques-unes font leurs ablutions
Nues jusqu'à la taille
Telles des Vénus d'Afrique aux seins riants
Imperméables aux regards goguenards ou choqués
D'autres assises sur la rive sur leurs jupes modestement assembleés
En plis serrés
Genoux pointés vers le ciel, cuvette entre les jambes
Frottent rageusement drap, serviette ou sous-vêtement d' homme
Puis d'un geste décidé de leurs mains habiles
En font gicler l'eau savonneuse.

D'autres enfin étendent leur linge
Sur des branches d'arbre ou à même les cailloux de la rive
Pour que le soleil fasse son travail de sécheuse et de
«blallisseuse»
Elles chantent ou fredonnent
Pour passer le temps
Et reprendre de l'élan pour le dur «rallez-route» du retour.

On les rencontre jour après jour
Et pourtant elles ne sont ni nymphes ni sirènes
Ces femmes et filles d'eau de mon Tiers-Monde.

 

           Marlène Rigaud Apollon
       Cris de colère, chants d'espoir (1992)
 
 Vous pouvez lire la traduction de ce poème dans Rosita. Noveller og digte fra Haiti, Litera 2002.

 

fontaine f vandpost
calebasse f beholder lavet af et 
     udhulet græskar
bidon de fer blanc m blikspand
plein à ras bord fyldt til randen
par à-coups i skvulp
s'insinuer trænge ind
espièglement skælmsk
imbiber fugte
du dedans indefra
faire le plein fylde op
qui..qui   nogle…andre
bouche d'eau f  vandhane
bandé  spændt
jambes écartelées  med benene 
       vidt fra hinanden
parer  tage af
le bassin.. bassinet som opsamler vandet
accroupi siddende på hug
coupole f kuppel
vaisseau m ka
cuvette f vaskefad
bokite f (bucket) spand
calebossé bulet
battre de la bouche snakke livligt
se chamailler skændes
prendre de l'élan få styrke
 

faire ses ablutions vaske sig
seins m pl bryster
imperméable à uimodtagelig for
goguenard hånlig, forarget
en plis serrés i stramme folder
frotter gnubbe
rageusement "med heftige tag"
geste décidé m en bestemt bevægelse
habile dygtig, ferm
gicler sprøjte ud
eau savonneuse f sæbevand

étendre brede ud
linge m vasketøj
à même direkte på
caillou m småsten
blaillisseuse (blanchisseuse)
    "blegekone"
frédonner nynne

sirène f havfrue
Tiers-Monde m Den tredje Verden



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